Archives mensuelles : décembre 2013

Urquell non, Prazdroj oui, Kout certainement !

« Il nous faut une véritable Pils d’exception, et c’est à Kout na Šumavě que nous irons la chercher ! »

C’était en juillet 2013, et  nous avons pris la route à bord d’une camionnette d’occasion, direction la Bohème, à l’extrémité occidentale de la République Tchèque. Kout na Šumavě, c’est le nom du village, mais aussi de sa brasserie, érigée en ces terres depuis 1736. Adrian est notre correspondant à la brasserie, le seul à parler anglais. Il développe le marché à l’exportation depuis quelques années, et déjà les Etats-Unis, l’Italie, ou la Russie, mettent les différentes bières de la brasserie à l’honneur.

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La Pivovar Kout na Šumavě

Ici l’on brasse de la bière depuis toujours, enfin presque, car quarante années d’abandon noircissent le tableau. Dans les années soixante, sous l’emprise soviétique, la brasserie est rachetée par Pilsner Urquell, qui est en quête du monopole d’Etat. La grande firme, aujourd’hui gigantesque, n’envisage pas d’y brasser, mais de détruire toute concurrence, et ordonne dans la foulée de stopper toute production à Kout na Šumavě. La brasserie restera des décennies à l’abandon, et c’est sous une nouvelle ère, au début des années 2000, qu’un homme d’affaire tchèque, passionné par la bière, décide de racheter la brasserie de son village natal : Monsieur Skala. Et pour refaire vivre la brasserie, il se fait aider d’un homme de circonstance : l’un des jeunes brasseurs remerciés dans les années 1960, et toujours résident du village !

Le "jeune" maître-brasseur, Kout na Sumave, République Tchèque

Le « jeune » maître-brasseur, Kout na Šumavě, République Tchèque

Conformément à la tradition locale, les bières portent les noms de leur degré Plato (densité avant fermentation). Ici deux Pils à 4° et 5° d’alcool, les Koutské 10 et 12, une Schwartzbier à 6°, la Koutské 14, et une intense Doppelbock à 8°, la Koutské 18. Toutes survivantes d’un patrimoine centenaire, elles sont uniquement brassées avec des malts locaux (dans un rayon de 50kms autour de la brasserie), ainsi qu’avec le très noble Saaz, le traditionnel houblon tchèque, seule variété admise ici. Après une fermentation en cuves ouvertes, et quelques mois de maturation (plus d’un an pour la Koutské 18), elles sont enfûtées, jamais embouteillées.

Les cuves de maturation, Kout na Šumavě, République Tchèque

Les cuves de maturation, Kout na Šumavě, République Tchèque

En pleine reconstruction, la brasserie produit 10 000Hl par an, mais prévoit une forte croissance dès lors que la restauration de la salle de brassage originelle sera terminée. Une croissance plafonnée cela dit, car seule l’eau de la source locale est utilisée, sans aucune modification. Les calculs les plus récents, pour éviter toute altération de cette dernière, estiment un plafonnement de la production à 30 000Hl. Des chiffres qui impressionnent dans le monde de la microbrasserie, mais qui ici, dans le pays où l’on consomme le plus de bière au monde, ne fond peur à personne. Avec 160L par an et par habitant, les tchèques consomment massivement une bière exceptionnelle, que d’aucuns d’entre vous savent très différente de celle qu’on importe en France.

Salle de brassage originelle en reconstruction, Kout na Šumavě, République Tchèque

Salle de brassage originelle en reconstruction, Kout na Šumavě, République Tchèque

Aujourd’hui, la Pivovar Kout na Šumavě prend le pari de la faire voyager, malgré toutes les contraintes. Les bières artisanales ne sont jamais pasteurisées, rarement filtrées, mais généralement de haute fermentation. Ces bières traditionnelles tchèques ne subissent aucune pasteurisation, contrairement aux leaders du marché, mais pâtissent en contre-partie d’une grande fragilité, du fait de leur fermentation basse. Malgré quelques déboires, nous sommes persuadés vous saurez l’apprécier ici en France, avec une qualité au mieux préservée.

Prazdroj en Tchèque, Urquell en Allemand, ça signifie la source originelle, mais qu’en est il vraiment ? De quelle source parle-t-on ? Avec cet article, j’espère vous avoir mis la puce à l’oreille. La bière artisanale connait un renouveau sans précédent, et de ce fait, permet de redécouvrir des produits que nous avions oublié.